Le roman Le Choix est un roman coup de poing, un électrochoc, une déflagration pour les lecteurs, à plusieurs niveaux. D’abord, parce que comme le personnage de Norma, nous pensions naïvement que « cet outil, l’avortement » serait « à disposition pour toujours ». Ce qui nous semblait être un délire collectif de l’autre côté de l’Atlantique est devenu une réalité puisque 14 États ont désormais interdit l’avortement, sans exception pour les cas de viol ou d’inceste. En France, l’avortement est aujourd’hui un droit inscrit dans la Constitution. Comment comprendre un tel écart de pensées et de valeurs ? Comment le droit fondamental des femmes de pouvoir disposer de leurs corps a été lentement grignoté dans ce pays qui incarnait autrefois la liberté ?
Ce roman est une déflagration car Isabelle Hanne nous plonge dans une réalité qu’on a peine à imaginer : dans une ville du Texas, nous rencontrons d’abord ce médecin qui part travailler tous les jours avec un gilet par balles pour permettre aux femmes d’avorter, puis ce jeune militant pro-life qui dédie sa vie entière à empêcher les femmes de mettre un pied dans ces cliniques, ces « portes de l’enfer ». Nous découvrons qu’on enseigne à l’école aux jeunes filles à rester vierge jusqu’au mariage et qu’on célèbre leur virginité dans des Purity ball.
L’écriture est franche, enlevée, cinématographique. Isabelle Hanne n’épargne aucun détail de la vie de ceux qui subissent les lois qui restreignent l’accès à l’avortement et de ceux qui luttent avec acharnement pour l’abolir. Nul n’est épargné par la problématique du choix et par les dilemmes, l’autrice évite ainsi toute vision manichéenne de la société. Les destins de tous ces personnages s’entremêlent au fil des chapitres et le suspens est à son comble lorsqu’ils se rejoignent.
Ce roman est une déflagration, au sens propre du terme, car la violence est au cœur d’un système de pensée qui sous couvert de vouloir protéger la vie et servir Dieu, annihile la vie des femmes. Cette violence est latente et se déploie de multiples façons dans la vie de tous les personnages. On comprend qu’elle est sans doute à l’origine d’une forme d’obscurantisme qui n’est pas sans rappeler l’image du fanatique religieux prêt à tout pour accomplir une mission qu’il pense sacrée. Isabelle Hanne dresse un portrait sombre d’une Amérique gangrénée par la violence, largement alimentée par les discours religieux et par ceux des politiciens.
Mais ce roman n’est pas qu’une peinture sombre de ce qu’est devenue l’Amérique. Isabelle porte un regard tendre et admiratif sur ses personnages féminins : de l’adolescente, à la grand-mère, ces femmes sont inspirantes. Elles nous redressent et nous enseignent la combattivité et la liberté. C’est aussi un roman du désir, qui loin d’en montrer les dangers, nous enseigne sa beauté et nous exhorte à en être fières et à le laisser s’exprimer. Isabelle Hanne déploie de manière franche, le corps et la vie des femmes, lève le voile sur les coulisses d’un monde que la société cache par pudeur convenue. Cette reconnaissance semble être la plus fondamentale pour permettre la préservation du droit fondamental des femmes à disposer de leur corps.
Le 22 novembre à 19h à la Maison des Femmes de Montreuil, Isabelle Hanne sera présente pour la présentation de son livre. Avec également Brigitte Daudu et Annie Chemla (militantes du MLAC), Lola Frederich (réalisatrice) et un extrait du documentaire d’Ada Grudzinski sur l’accès à l’avortement en Pologne, Les Femmes, le pape et le parti.
Sarah est avant tout professeure de français mais aussi autrice et comédienne à ses heures perdues ! Être une femme en situation de handicap lui a sans doute donné conscience très tôt qu’avoir une place dans la société et défendre ses droits seraient un combat quotidien. La rencontre avec les Missives a donc été un coup de foudre, une reconnaissance. Mettre en valeur la voix des femmes et les lettres fait désormais partie intégrante de son ADN.