Créée en 2019, la collection L’Ardeur a l’ambition de proposer aux adolescent.es de plus de 15 ans une alternative à la culture du porno en guise d’exploration des sexualités. Les personnages sont des ados ou de jeunes adultes qui vivent, souffrent, jouissent, hésitent, questionnent leur désir sous toutes ses formes.
Missives vous emmène en terres érotiques adolescentes. Histoire de voir du pays pubère.
La Chasse, de Maureen Desmailles
Cupidon décoche des flèches, Max aussi mais forcément, à, dix-sept ans, iel galère un peu plus…
Iel cible Andréa, sans le vouloir, ça vient comme ça, au détour des premières soirées adolescentes arrosées. Elle est belle, flamboyante et presque ravageuse. Max est invisible, il n’en « peut plus de disparaître » derrière la réussite de son frère, au lycée, à la maison, aux repas de famille, entre amis mais Andréa, elle, le voit, et Max, ellui, se désintègre quand elle choisit finalement Pierre après une belle altercation au centre de tir à l’arc. Le poids du chagrin l’enferme sec et net, et les vacances s’annoncent bien douloureuses : désinvité des vacances entre potes – de toute manière, si c’est pour regarder Andréa et Pierre, à quoi bon? – et refoulé du séjour à Paris avec ses parents qui cherchent un studio pour les grandes études de son frère brillant.
Pourtant, deux astres incandescents sortent Max de sa torpeur : Ellie, la fille des nouveaux voisins d’en face et son mec, Cosme. Un couple libre et solaire, aussi accueillant qu’intrigant qui vit une romance simple, respectueuse et furieusement à l’encontre de ce qu’a connu Max jusqu’à présent. Mais les blessures passées perdurent et Max chasse encore ses cibles à l’ancienne.
Au cœur d’un triangle initiatique de désirs charnels et de fantasmes amoureux, ce personnage principal dont le lecteur ne connaitra jamais le genre, trace le sillon d’une éducation sentimentale qui se confronte au besoin de posséder l’autre, d’en faire sa petite chose rien qu’à soi quand le véritable amour cupidonien ne réclame que confiance et honnêteté.
« Et moi, qui ne savais que répondre quand on me demandait « Tu veux sortir avec qui ? » « Filles ou garçons ? » « Tu l’as déjà fait ? » Je trouvais ces questions morbides, je me haïssais de ne pouvoir les trancher car à la récré, dans les familles, chez les amis, la sentence était la même qu’ailleurs : des couples, des rivalités, des options posées sur les corps. Nous étions la suite logique des binarismes et des restrictions, les enfants de nos parents. »
Maureen Desmailles met son lecteur en face de ses potentielles contradictions : comment aimer simplement, sans blesser, sans jalouser, sans posséder mais surtout, sans plaquer nos schémas relationnels des siècles passés alors même que nos rancœurs et inimitiés pourrissent nos petits cœurs naïfs ? On se veut ouverts et carrément 2023 mais comment lire un roman érotique sans connaître le genre du personnage principal ? Comment se figurer une scène voluptueuse sans savoir qui pénètre qui ? Les pensées et réflexes d’un personnage sont-ils véritablement guidés par son positionnement sur le spectre du genre ?
L’autrice nous invite à nous interroger dès l’avant-propos : « Aussi, affrontez vos préconçus : à quels moments lisez-vous le personnage au masculin ou au féminin, et pourquoi ? Quels biais vous y poussent ? L’histoire change-t-elle avec le genre de son·a narrateurice ? ».
Au-delà du remarquable tour de force de l’exercice littéraire consistant à effacer toute marque de genre, Maureen Desmailles nous extirpe de notre fâcheuse habitude à tout étiqueter et ranger dans des cases afin de nous forcer à regarder l’histoire pour ce qu’elle est : un récit de l’entrée fracassante dans la vie amoureuse. Elle nous confirme définitivement que n’est pas Cupidon qui veut, même en sachant aussi bien bander son arc que Max.
Une rencontre littéraire exceptionnelle sur la littérature adolescente érotique
Jeudi 30 novembre à 19h30 chez Libertalia, Missives reçoit Charline Vanderpoorte (L’Ardeur) et Hélène Vignal (autrice) : elle unit ses forces à celles qui contrent l’obscurantisme d’un monde qui veut réduire au silence ce qui sauve, ce qui émancipe, ce qui bat fort au fond de nos ventres. Manu Causse, l’un des auteurs de la collection « L’ardeur », s’est vu cet été interdire aux mineurs son livre Bien trop petit, publié un an auparavant en 2022 au prétexte que des scènes explicites pourraient heurter la sensibilité d’un jeune lectorat et pervertir la jeunesse selon l’arrêté du 16 juillet 1949 et présenter « un danger pour les mineurs qui pourraient l’acquérir ou le consulter ». Face à Gérald Darmanin, Thierry Magnier l’éditeur de la collection réaffirme le rôle capital des livres dans la construction de l’identité, sexuelle a fortiori à l’adolescence : « À l’heure où la consommation d’images pornographiques violentes et sexistes explose chez les plus jeunes, à l’heure où l’éducation à la sexualité peine à exister, il nous semblait au contraire essentiel d’oser proposer à nos lecteurs et lectrices, grands ados et jeunes adultes, des œuvres littéraires traitant avec soin et conviction de ces enjeux cruciaux. » (cité sur le site Actualitté).
J’appelle chacune de mes copines « ma sœur » et la langue française est un chewing-gum : ça se mâchouille, ça se colle partout et surtout, c’est meilleur quand ça s’avale pour s’agglutiner aux tripes. Je suis la reine des images idoines et mon humilité me perdra sûrement en l’an 2053. Je suis une vraie fleur bleue mais comme je suis un signe de feu, disons que je suis un feu bleu. Sinon, je fais des affiches, des rézosocio, des rencontres et des chroniques pour valoriser mes vaillantes sœurs.