Et si l’habit faisait le moine ? Alors que la Fashion Week bat son plein, c’est le moment propice pour décrypter le monde de la mode et les codes qui le régissent. Dans ce lexique inclusif (éd. Les Insolentes), la journaliste mode Mélody Thomas livre, sous sa plume aiguisée, des analyses édifiantes et un regard critique sur les mouvements et tendances qui définissent la mode d’aujourd’hui.
Dans les cercles féministes, il est depuis longtemps établi que l’intime est politique. Mais qu’en est-il de la mode ? Si cette industrie peut paraître frivole et superficielle pour certain·e·s, Mélody Thomas la définit plutôt comme un « miroir » ou une « éponge » qui « reflète autant qu’elle absorbe les changements, petits et grands, qui ont cours dans nos sociétés ».
Ainsi, une description du mythique sac Birkin devient l’occasion d’aborder des questions de luttes de classe ainsi que le deux poids, deux mesures du traitement médiatique des femmes noires. Pourquoi quand la rappeuse Cardi B pose devant sa collection de Birkin on l’accuse de faire « baisser la valeur » des sacs ? Ou alors, pourquoi la robe de Cécile Duflot lui a-t-elle valu d’être sifflée en pleine séance de l’Assemblée nationale ? Et pourquoi les femmes vont-elles systématiquement être décrites par des termes péjoratifs tels que fashion victim ou basic bitch, alors qu’un homme branché est un hypebeast (« bête de tendances ») ? Dans son premier livre, Mélody Thomas capture avec justesse les enjeux actuels de cette industrie, tout en ouvrant des champs de réflexion habituellement peu trouvables dans les ouvrages consacrés à la mode.
Ce lexique fournit les outils nécessaires pour mieux saisir les codes de ce milieu, car justement, la mode parle de la société dans laquelle nous vivons. Les vêtements peuvent inclure, tout comme ils peuvent exclure. La journaliste mode soutient que :
« […] avoir le droit de s’habiller comme on l’entend, d’exprimer par le vêtement qui l’on est, c’est affirmer son indépendance. C’est dire que l’on peut exister et définir ses propres frontières. Et, généralement, cela ne se fait pas sans tumulte, surtout lorsque l’on est une femme et/ou une personne minorisée. »
L’autrice réussit par ailleurs le pari de combler le manque de contextualisation d’une industrie qui se politise pourtant de plus en plus. Longtemps considéré comme le monde du paraître seul, il n’est plus rare que les magazines et podiums deviennent des lieux où des enjeux politiques se cristallisent, que ce soit les marques Tom Ford et Marc Jacobs qui refusent l’accès à leur collection à l’ex-Première dame Melania Trump, ou le·a mannequin Ayesha Tan-Jones qui brandit le message « Mental health is not fashion », lors d’un défilé Gucci.
Dans ce lexique didactique et illustré, se côtoient 27 termes décortiquant des notions reliées au monde de la mode, qui sont analysées sous le prisme d’anecdotes personnelles, ainsi que de concepts sociologiques et références historiques fouillées. Les diverses entrées (« Appropriation culturelle », « Camel toe », « Âgisme », « Black Models Matter », « Maternité »…) proposent une approche transversale réussie qui s’adresse tout autant aux novices qu’aux aficionados de la mode. Ce passionnant recueil d’essais courts livre un décryptage éclairant qui permet d’affirmer sans aucun doute que oui, la mode est définitivement politique.
Journaliste suisse basée à Berlin, Özgül traite l’actualité internationale au quotidien pour une agence de presse, et a auparavant travaillé pour la télévision et la presse écrite. Elle se passionne en parallèle pour des sujets culturels et féministes, et sa bibliothèque s’agrandit progressivement pour accueillir plus d’ouvrages allant dans ce sens.