A travers les âges, les régions du monde et de manière chronologique, nous découvrons dans ce livre de Laurence Dionigi publié aux éditions Ovadia, l’évolution de l’érotisme dans l’Art.
Ponctué de très nombreuses œuvres, le texte se lit de manière fluide malgré la quantité d’informations transmises, que ce soit sur les mœurs sexuelles, la vision de l’homosexualité, les critères de beauté ou encore la place de la femme dans la société selon l’époque concernée. Toutes ces données permettent au lecteur d’avoir un contexte à chaque tableau ou sculpture présentés et de mieux appréhender ce qui se jouait pour l’artiste et la réception qu’a pu avoir son œuvre. On comprend mieux ainsi par exemple pourquoi il y a quelques siècles, certains nus scandalisaient quand d’autres étaient approuvés voire commandés par l’Église.
Muse idéalisée, être de pureté ou au contraire dangereuse ensorceleuse, femme-objet ou femme artiste, ce livre permet également de suivre l’évolution pas toujours réjouissante de la place de la femme dans l’Art, quel que soit le côté du pinceau où elle se trouve.
Il est en outre intéressant d’aborder la vision de l’érotisme chez la femme artiste et à quel point selon l’époque elle se permettait ou non de représenter ses fantasmes à la manière de ses contemporains masculins.
Seul bémol à mon sens, la qualité de certaines images parfois un peu floues et pixelisées et la mise en page du livre qui ne permettent pas toujours d’apprécier à leur juste valeur les nombreuses œuvres placées çà et là dans le texte.
En plus de tous les points forts déjà cités, j’ai trouvé la conclusion d’une grande qualité, de par les réflexions qu’elle apporte que ce soit sur le monde de l’Art de nos jours, le manque d’exposition des femmes artistes, la considération que l’on a pour certains peintres masculins dont les actes misogynes ont été mis au grand jour… J’ai trouvé ces ouvertures très pertinentes à l’heure où dans d’autres domaines artistiques comme le cinéma, on sépare de la même façon encore souvent l’homme de l’artiste que l’on continue à aduler en écartant d’un revers de la main ses procès, arrestations et faits avérés de violences voire de crimes. L’autrice incite le lecteur à s’interroger sur la façon dont ont parfois pu être traitées les muses ; on pense notamment aux très jeunes filles que peignait Paul Gauguin, connu pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineures ; ce qui ne l’empêche pas d’être encore aujourd’hui très largement exposé et apprécié pour ses tableaux. On peut également réfléchir à la différence de visibilité des femmes artistes (moins de 1% des œuvres présentes au Louvre par exemple, 7% pour le musée d’Orsay d’après les chiffres exposés dans ce livre) et la différence de valeur en terme de cotation (91,1 millions de dollars pour une œuvre de Jeff Koons tandis que le record détenu par Jenny Salville, artiste vivante la plus cotée s’élève à 12,4 millions de dollars).
En bref, une conclusion pertinente et engagée qui vient terminer cet ouvrage riche de connaissances et de représentations en nous interpellant sur notre propre rapport à l’Art et notre potentielle adhésion aux artistes et œuvres classiques ou contemporains plébiscités de nos jours.
Camille Pierrisnard, pharmacienne et sophrologue passionnée de littérature, espère que sa fille grandira dans un monde toujours plus juste, égalitaire et tolérant. Jury du prix France TV 2017 catégorie essai et du prix des lectrices Elle 2018. Pour la suivre sur Instagram : @petitgrainbigaradier