À travers les figures de trois générations de femmes, l’autrice sud-africaine Futhi Ntshingila dresse le constat de ce que c’est qu’être femme et pauvre à Durban au tournant de notre siècle.
Mvelo, 14 ans, voit sa mère Zola mourir du sida. Avec sa mort c’est la fin de l’enfance et la naissance de la colère dans le cœur de Mvelo. Cette colère va la mener sur les traces de l’histoire de sa famille, elle qui n’a connu ni son père ni ses grand-parents.
Le titre de ce deuxième roman, premier de l’autrice à paraître en français, est emprunté au célèbre poème de Dylan Thomas, « N’entre pas sans violence dans cette bonne nuit ». À l’image du poème, Enrage contre la mort de la lumière est un appel à ne pas disparaître sans se battre, le combat fut-il perdu d’avance. Parce que fille, parce que noire dans une Afrique du Sud déchirée par l’apartheid et ses conséquences, Mvelo part avec de terribles handicaps dont elle n’est pas responsable. Mais parce que fille et parce que noire en Afrique du Sud, Mvelo n’a pas le luxe de pouvoir baisser les bras.
Malgré les horreurs qui jalonnent la vie des femmes de ce roman (viol, VIH, grossesse adolescente non désirée, qui mériteraient un avertissement en préambule pour que les lecteur·ices sachent à quoi elles et ils s’apprêtent à se confronter), il en émane une force tranquille et une luminosité qui empêchent de soupçonner Ntshingila ou son roman de fascination pour le sordide. D’une part parce que, tout sordide que soit ce qui peut arriver aux personnages, on ne peut pas le pousser pudiquement sous le tapis du bout du pied comme si ceci relevait plus de l’anecdote que du phénomène social. D’autre part, et c’est ce qui est le plus frappant, parce que ce qui permet de ne pas sombrer, ce sont les liens que tissent entre elles ces femmes pour faire face au monde qui ne veut pas d’elles. C’est sur ce message d’espoir que se clôt le livre : la lumière qu’on a refusé de laisser complètement mourir, l’espoir qui renaît de ses cendres, grâce à la famille qu’on a constitué sur son chemin.
Enrage contre la mort de la lumière, de Futhi Ntshingila, Belleville éditions, 5 février 2021, 19 euros
Audrey se découvre féministe après un atelier d’écriture de Chloé Delaume. Depuis, elle avale autant de livres écrits par des femmes que possible. Son objectif de vie : avoir plus d’autrices que d’auteurs dans sa bibliothèque.