Depuis quelques années, les comics laissent un peu plus de place aux personnages féminins. C’est une très bonne chose.
Ah attendez j’entends des petites voix qui souhaitent me contredire. Oui ? C’est pour quoi ? Oui, je sais, les héroïnes dans les comics, ce n’est pas nouveau mais la différence c’est qu’aujourd’hui elles sont de moins en moins là pour servir d’eye-candy à des lecteurs aux goûts douteux. Oui, oui, la censure, la liberté d’expression, je comprends, c’est très important de se battre pour que des femmes puissent continuer d’être représentées dans des positions ridicules afin qu’on puisse voir à la fois les fesses et les seins. Sacré combat. Bon allez les gars je vous laisse, j’ai piscine et puis si vous mettiez autant d’ardeur à vous battre pour des causes pro-féministes que pour celles où ouin ouin, laissez-nous des culs et des seins dans nos BD, le monde tournerait peut-être un peu mieux.
J’ai choisi de vous parler d’un comics qui ne comporte pratiquement que des personnages féminins. Il est écrit par Marjorie Liu et dessiné par Sana Takeda. J’ai découvert ces créatrices via Monstress car j’étais passée à côté de leurs travaux précédents et leur notoriété est montée en flèche grâce à cette série. Une pluie de prix bien mérités en 2017 et 2018. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi avec des mots et de belles planches issues de ce merveilleux comics.
Nous sommes dans le Monde Connu. Une guerre a tout détruit sur son passage, elle a opposé les Humains et les Arcaniques. Dans ce monde où ce n’est pas la fête tous les jours et où les Bisounours ne trouveraient pas leur place, des personnages vont lier leur destin.
Maika Halfwolf est une Arcanique. C’est, on peut le dire, le personnage principal. Elle n’est pas très sympathique, pas le genre de jeune femme dont on a envie de se faire une copine. Vous comprendrez très vite qu’il y a des raisons à cela, elle ne fait pas la gueule uniquement pour paraître super mystérieuse. Au début de l’histoire, elle est donnée, c’est le bon terme, à une organisation dirigée par des humaines appelée la Cumaea. Elles font des expériences scientifiques sur les Arcaniques, expériences qui évidemment ne se résument pas simplement à des analyses de sang. Elles découpent, elles charcutent, elles ont dû obtenir leur CAP boucherie haut la main. Maika est emprisonnée, ce n’est pas très confortable, ça pue et puis l’insonorisation n’est pas très bonne alors elle décide qu’il est temps de partir. Elle ne fait pas cela très proprement et si elle espérait récupérer la caution, je crois que c’est mort. En plus, elle n’avait pas précisé qu’elle n’était pas venue seule, qu’un étrange pouvoir l’accompagnait : un lien psychique avec un monstre qui a besoin de se nourrir et pas avec des Pim’s.
En s’enfuyant, elle libère les autres Arcaniques et une petite fille, Kippa, décide de la suivre, parce qu’elle n’est pas idiote la gamine, elle a vite compris que si elle voulait rester en vie, il fallait suivre Maika.
Kippa, c’est l’innocence incarnée, toujours optimiste, défendant envers et contre tout Maika alors que celle-ci ne la ménage pas. La dureté du regard de l’héroïne s’oppose à la douceur des grands yeux de Kippa. Elle représente l’espoir, le bien et ce besoin de toujours croire en un avenir meilleur.
Les deux Arcaniques sont rejointes par Ren, un chat.
Dans Monstress, les chats sont considérés comme la race la plus sage. D’ailleurs, je l’ai dit à mon chat et il m’a répondu « Normal ». Ren est plein de secrets, nous ne savons pas trop qui il est, il semble cacher pas mal de choses et puis comme tous les chats, il n’a pas particulièrement envie que d’autres prennent des décisions à sa place. Sa relation avec Kippa apporte un peu d’humour à une histoire qui reste très sombre.
Maika, cherchant à retrouver sa mémoire disparue, va laisser les deux autres personnages l’accompagner dans sa quête. Comme toute aventure, il y a des embûches, des ennemis, des alliés et des retournements de situation.
Grâce à l’écriture très fluide de Marjorie Liu et aux dessins impeccables de Sana Takeda, Monstress est un comics envoûtant. Aucun des personnages n’est mis de côté, elles prennent bien le temps de les présenter et de nous surprendre. L’univers, mélange de steampunk, de manga et de fantasy, est riche et cela peut parfois sembler un peu compliqué de s’y retrouver mais les créatrices ont été très malignes car à la fin de certains chapitres nous avons le droit à une leçon du professeur Tam Tam, indispensable pour mieux comprendre les liens entre les différentes races et l’Histoire du monde dans lequel les personnages évoluent.
Par ailleurs, Monstress fait passer des messages forts, qui nous parlent à nous, lecteurs et lectrices de 2019 : beaucoup de féminisme, un appel à la sororité et donc à l’entraide, seul moyen pour les membres du sexe féminin de se relever et de continuer à se battre. Le racisme et le rejet de l’autre, la peur des différences qui sont des luttes à mener sans répit.
Soyez comme Kippa, restez combatifs, la tête haute, l’espoir comme étendard. L’innocence n’est pas l’ignorance.
Monstress, c’est trois tomes pour l’instant : en anglais chez Image Comics et en français chez Delcourt. Vous choisissez.
Puisque je parlais de l’hypersexualisation des héroïnes féminines dans les comics, je vous invite à aller jeter un œil au Tumblr The Hawkeye Initiative. Cela remonte à quelques années mais c’est toujours d’actualité et très juste.
Si vous êtes en manque d’inspiration et que vous ne réussissez pas à trouver des comics avec des personnages féminins qui en jettent, qui n’ont pas froid aux yeux et qui méritent enfin d’être sur le devant de la scène, un tour sur Twitter pour suivre le compte de @Themiscyra_co qui propose une base de données très complète sur son blog et des actualités comics. Un projet féministe qui fait du bien.