Joli livre illustré qui rend hommage aux femmes méconnues et oubliées de l’Histoire, J’aimerais te parler d’elles se lit comme une sorte de trombinoscope féministe. À mettre entre les mains de tous·tes.
Convaincue que le manque d’éducation participe largement aux violences faites aux femmes, l’autrice et journaliste Sophie Carquain a avant tout écrit J’aimerais te parler d’elles pour les enfants. Cibles principales de cet ouvrage didactique replaçant les femmes les plus importantes des siècles derniers sur le devant de la scène, ces très jeunes lecteurs pourront également s’émerveiller devant les illustrations colorées de Pauline Duhamel.
En alliant l’utile à l’agréable, le duo reconstitue ce que notre système éducatif a volontairement omis de nous transmettre. À travers une cinquantaine de portraits de femmes, le livre nous fait traverser le temps tout en rétablissant des vérités historiques. Emma Watson, Agatha Christie, Ella Fitzgerald, Calamity Jane, Agnès Varda, J. K. Rowling, Rupi Kaur, Jane Goodall… célèbres ou moins connues, ces femmes influentes font de l’ombre aux princesses des contes pour enfants.
Des anecdotes piquantes
Ce livre illustré regorge d’anecdotes féministes qui permettent de souligner l’audace de ces femmes mais aussi de dépeindre la société machiste dans laquelle elles vivaient – ou continuent de vivre. Prenons d’abord Marie Curie qui remet à sa place un journaliste en pleine interview lorsqu’il lui demande ce que cela faisait de vivre avec un génie : « Demandez à mon mari », avait-elle alors répondu, sans se démonter. Il y a aussi Colette, l’écrivaine qui écrit les romans à succès de son mari, comme si elle n’existait pas. Plusieurs fois, à travers différents domaines et diverses histoires, Sophie Carquain démontre que les femmes sont souvent effacées derrière les hommes qui s’attribuent tout le mérite.
À ce propos, aviez-vous déjà entendu parler de Mileva Marić ? C’était une physicienne mariée à un certain… Albert Einstein. Selon la correspondance des deux époux, cette dernière aurait largement contribué au succès de ce génie aux cheveux ébouriffés, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands scientifiques de l’histoire. Injustement, les gens pensaient que l’activité principale de Mileva Marić était de s’occuper de ses enfants. Erreur.
Sous les portraits, des encarts inspirants appuient la personnalité de ces héroïnes. Entre conseils éducatifs et féministes, ces petites lignes font office de guide et donnent des clés aux jeunes âmes encore naïves et inexpérimentées. Un moyen de les familiariser avec la définition de la sororité, les encourager à croire en leurs rêves ou à leur inculquer l’importance de l’écriture inclusive.
Des illustrations symboliques
Les dessins, qui constituent l’autre moitié intéressante de l’ouvrage daignent offrir un visage à ces femmes parfois oubliées et mise à l’écart. Sous le coup de crayon de Pauline Duhamel, influencée par Sempé, Quentin Blake et Samivel, les aventurières, artistes, militantes et scientifiques révèlent leur caractère. Très colorées et résolument féministes, ces illustrations mettent en scène ces égéries dans leurs conditions de travail ou face à leurs accomplissements.
Jolies mais aussi utiles, les caricatures de la dessinatrice permettent de se faire une idée plus clair du personnage dépeint. Le duo Sophie Carquain et Pauline Duhamel a réuni ses forces efficacement pour faire découvrir l’histoire aux plus jeunes, sous un jour féministe. Indispensable pour les jeunes parents et les lecteurs curieux, ce trombinoscope littéraire qui combat les croyances auto-limitantes et le sexisme insidieux est à mettre entre toutes les mains, pour fabriquer des esprits audacieux et courageux.
J’aimerais te parler d’elles de Sophie Carquain, illustré par Pauline Duhamel, a été publié chez Albin Michel Jeunesse en 2019
Depuis qu’elle sait réciter son alphabet, Lucille a le nez plongé dans les livres – raison pour laquelle elle est devenue complètement myope aujourd’hui. Après des études de lettres à la Sorbonne où elle a étudié la représentation des femmes dans le cinéma, elle a travaillé dans une maison d’édition et une bibliothèque avant de devenir journaliste.