C’est en terminant le second ouvrage de Constance Debré que j’ai eu envie de revenir sur le premier. Play Boy n’est peut-être plus d’actualité, il est passé derrière le plus trash Love Me Tender, et pourtant, je n’arrive pas m’en défaire. J’ai l’impression que l’élan de la nouveauté fait oublier l’éclat de l’ancien, alors je m’accroche à lui pour qu’il ne tombe pas dans l’ombre de son petit frère.
Lorsqu’elle l’écrit, l’autrice n’est encore personne dans le paysage médiatique, elle est avocate, héritière d’une grande famille, et elle a l’impression d’être à côté d’elle même. Constance Debré raconte une vie qui perd petit à petit son sens dans une bourgeoisie parisienne où elle joue l’hétéro. Dans ce livre, elle s’attaque à ce qui l’enferme, elle quitte son mari, son appartement, sa toge et ses cheveux longs et devient une nouvelle version d’elle-même, plus authentique peut-être.
Dans son périple, elle quitte aussi une hétérosexualité qu’elle avoue être de confort. Elle découvre l’amour lesbien et partage avec le lecteur ses découvertes charnelles. On suit toutes ses premières fois et on assiste à l’esquisse de la femme qu’elle devient : affranchie et dévorante. D’abord enfermée dans les carcans du couple traditionnel, elle désapprend finalement les codes de la bienséance pour vivre auprès des femmes des passions qu’elle décrit comme libératrices.
En mettant une croix sur tout ce qu’elle a connu, Debré ne remet pas seulement en question son mariage, elle questionne également la maternité. Elle loue un deux pièces pour accueillir son fils, mais a-t-il vraiment une place dans sa nouvelle vie ?
« Je l’ai dit à mon fils. Pour les filles, pour Albert. Ça a été très simple. Je lui ai demandé s’il s’en doutait. Il a dit oui mais qu’il n’était pas sûr. Il dit qu’il aime bien Albert. Il dit qu’elle est marrante. Elle est venue dîner une ou deux fois pendant ses semaines à lui. Elle ne reste jamais dormir ces jours-là. Plus tard il a été très tendre avec moi. Il est venu m’embrasser dans la cuisine. Il m’a dit qu’il m’aimait. »
Une chose à laquelle elle n’accorde certainement plus de valeur, c’est l’argent. Elle confie bien volontiers que tout est plus facile quand on est riche, même quand on devient pauvre. Grandir dans l’oppulence, c’est aussi grandir sans craindre. Le privilège d’être riche, c’est qu’on apprend à ne jamais s’inquiéter. Elle décrit une confiance en soi qui ne s’éfritte jamais, même quand l’argent, lui, n’est plus là.
« Je suis riche sans un kopeck. Sans appart. Riche à dix euros par jour clopes comprises. Riche sans rien, mais si riche que je m’en fous d’être pauvre. Techniquement à la rue, mais ontologiquement pétée de thunes. On n’a pas besoin d’argent quand on est riche. On n’a pas besoin des autres quand on est riche. On n’a besoin de rien quand on est riche. C’est une question de honte qu’on a jamais. Les pauvres ont bien raison de nous haïr.»
Avec Play Boy, Constance Debré confesse ce que la bourgeoisie ne vous dira jamais : l’argent gagne toujours, même contre l’amour. Si on veut aimer librement, mieux vaut alors apprendre à s’en passer. D’ailleurs, se passer de tout et désapprendre sa vie, c’est le défi que s’est lancé l’autrice, reste à savoir si pour déconstruire il faut détruire.
Diplômée de l’université de Montréal et de l’Institut européen du cinéma et de l’audiovisuel, elle s’intéresse à l’étude des représentations des genres et des sexualités au cinéma et à la télévision. Alors qu’elle a été longtemps réfractaire à la lecture récréative, c’est finalement les essais féministes et les ouvrages académiques subversifs qui lui ouvrent les portes du plaisir littéraire.